« La sécurité sanitaire est au cœur du pacte de confiance pour le développement du commerce international » par Pascal Lecamp, député de la Vienne

Pascal Lecamp, député de la Vienne et commissaire aux finances, ancien diplomate économique passé par 6 pays de l’Angola au Canada, plaide pour mettre la sécurité sanitaire au centre du commerce extérieur français et européen. En amont du sommet Union Européenne- Communauté des états latino-américains et des Caraïbes des 17 et 18 juillet 2023, au début de la présidence espagnole du conseil de l’Union Européenne, il insiste sur l’importance de faire respecter les normes sanitaires et environnementales de production européennes dans nos échanges internationaux pour garantir l’acceptabilité de notre modèle économique ouvert sur le monde.

Quel est le lien entre sécurité sanitaire et commerce international ?

La sécurité sanitaire est un sujet technique, un peu aride, qui recouvre l’ensemble des réglementations, normes, procédures sanitaires et phytosanitaires mises en place pour protéger la santé humaine, animale, végétale. Tout cet arsenal vise à minimiser les risques liés à l’importation et à l’exportation de produits agricoles et alimentaires. Il est donc au cœur du pacte de confiance pour le développement du commerce international.

Est-ce vraiment un enjeu prioritaire ?

Absolument. Au moment des discussions sur le CETA, j’ai pris conscience de l’opposition croissante aux accords de libre-échange. Lorsque, comme moi, on a passé toute sa carrière chez Ubifrance, puis Business France, au service du développement international des entreprises, et que l’on sait qu’un emploi sur 7 en Europe dépend de l’export, c’est un sujet qui alerte. Les raisons à la défiance envers les traités commerciaux sont diverses, mais les considérations environnementales, sanitaires, sociales, vont grandissantes. Alors que je crois que le commerce international peut être un moteur très puissant pour la trajectoire globale de transition environnementale. Et cela passe par une sécurité sanitaire garantie de bout en bout.

En quoi la sécurité sanitaire dans les échanges commerciaux peut-elle être facteur de changement dans
la trajectoire environnementale ?

Il y a un lien très clair entre la sécurité sanitaire et l’environnement : certaines pollutions environnementales ont des impacts négatifs sur la santé humaine, je pense par exemple au chlorpyrifos qui pose un risque de neurotoxicité pour les enfants.

D’un côté, l’Union Européenne s’est dotée depuis le règlement-cadre de 2000 qui a notamment institué l’EFSA jusqu’à la stratégie « De la Ferme à la Fourchette », des normes les plus ambitieuses au monde dans ce domaine. De l’autre, nous avons, à l’échelle européenne, importé pour 172 milliards d’euros de produits agricoles et alimentaires en 2022, c’est plus que le PIB du Qatar ! Nous sommes un débouché incontournable. Nous pouvons et devons contribuer à élever les standards de sécurité sanitaire mondiaux de nos partenaires commerciaux.

Comment cela se fait-il concrètement ?

Ce sont les fameuses mesures ou clauses- miroirs. C’est du langage juridique, mais c’est en réalité assez concret : on insère dans le règlement européen une mesure qui dit « ces normes de production pour notre marché intérieur s’appliquent aussi à toutes nos importations ». Une clause-miroir a le même effet mais elle est insérée dans un traité commercial. Nous avons des progrès à faire à ce sujet, c’était une des priorités de la France durant sa Présidence du Conseil de l’Union européenne, ce qui a notamment abouti à l’adoption du règlement sur la déforestation importée, qui suit la même logique.

Vous portez une résolution
sur l’accord UE-Mercosur : comment s’inscrit-elle dans cette logique ?

En effet, avec plusieurs de mes collègues, nous avons voulu envoyer un signal très clair : la représentation nationale s’oppose à l’accord UE-Mercosur en l’état, parce qu’il n’assure pas un niveau de sécurité ni sanitaire ni environnementale satisfaisant. Et lorsque la concurrence est déloyale, ce serait ici le cas, nous décourageons nos producteurs locaux qui sont soumis à des interdictions et obligations nombreuses, tout en affaiblissant l’effet positif de nos avancées sanitaires. Je vais vous donner un exemple : au Brésil, les bovins sont élevés aux antibiotiques de croissance. C’est interdit chez nous, mais quel intérêt si près de 100 000 tonnes-équivalent- carcasse arrivent chaque année sur nos marchés et donc dans l’assiette de nos concitoyens ? C’est dangereux pour l’acceptabilité du commerce extérieur pour les nouvelles générations, donc si nous voulons rester ouverts sur le monde, nous devons adopter une nouvelle matrice.