Petit déjeuner du 11 octobre autour de Jean Castex, ancien Premier ministre, Président de la RATP

Thème : Métro-Boulot-Dodo-JO: La RATP est-elle prête à relever les prochains défis ?

Réponse ce matin au petit déjeuner GEEA à l’Assemblée nationale autour de Jean Castex, ancien Premier ministre et Président de la RATP.

Une trentaine de parlementaires étaient présents afin d’échanger sur les défis, profondément nouveaux, de la RATP notamment en matière de ressources humaines et moyens mis en place pour faciliter le déplacement des usagers des transports en commun.

Revue GEEA : La sécurité et l'économie

Le coût de l’insécurité : une facture faramineuse par Alexandre Portier, député du Rhône

Si l’insécurité est un sujet souvent abordé dans le débat public, son coût est rarement mis en lumière. En effet,

si l’on évoque bien des faits divers illustrant l’insécurité ou même
des problématiques plus spécifiques, afin de souligner la force de l’insécurité en France, on parle moins de ses conséquences économiques et financières. Or, c’est un sujet important, puisqu’au-delà de l’impact émotionnel et traumatique que l’insécurité peut laisser aux victimes, il y a aussi un impact matériel

et tangible, autant pour les particuliers que pour les entreprises et notre service public, selon le député
du Rhône, Alexandre Portier.

Combien coûte l’insécurité en France ?

Si l’on reprend une étude publiée par le chercheur Jérémie Vandenbunder (CESDIP, octobre 2022) , le coût cumulé estimé de l’insécurité en France s’élève en 2018 à 51 milliards d’euros par an — un coût ayant doublé en 30 ans !

Lorsque l’on évoque l’insécurité, on pense d’abord bien sûr à la violence que subissent nos concitoyens. Cambriolages, vols en tous genres, atteintes volontaires à l’intégrité physique ou encore usurpations d’identité sont les actes d’insécurité qui coûtent le plus cher aux particuliers. En effet, même lorsque les assurances peuvent couvrir la soustraction d’objets de valeurs, l’argent déboursé par l’assurance provient des cotisations de ses adhérents. Assuré ou pas, le coût d’un vol est donc assumé par nos concitoyens. Le coût des cambriolages (et tentatives) représente à lui seul 1,1 milliard d’euros par an. Face à toutes ces menaces, les particuliers réagissent en faisant installer différents dispositifs de sécurité plus ou moins coûteux, ce qui alourdit la note de plusieurs centaines de millions d’euros.

Les entreprises sont particulièrement touchées par la cybersécurité. Avez-vous une estimation sur ce que cela représente ?

Depuis quelques années, la cybercriminalité est devenue un véritable fléau. Pour l’éditeur de logiciels McAfee, elle serait le troisième plus grand fléau économique dans le monde et représenterait 1 000 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an, soit environ 1% du PIB mondial et toucherait en particulier les banques. D’après le Boston Consulting Group, les entreprises financières seraient 300 fois plus susceptibles d’être ciblées. Pour exemple, le montant des fraudes à la carte bancaire en France s’élève en 2021 à environ 464 millions d’euros .

Le coût de l’insécurité pour les entreprises n’est donc pas en reste, bien au contraire. Au cours des 5 dernières années, le budget dédié à la cybersécurité a plus que triplé selon une récente étude de l’assureur Hiscox. Le budget médian de la cybersécurité est passé de 1,4 million de dollars en 2018 à 5,3 millions en 2022. Du côté des commerçants, au-delà des caméras installées, de plus en plus décident de recourir aux services d’entreprises de sécurité privée. Selon l’étude « Retail Security in Europe 2019 » réalisée par l’institut Crime & Tech, les distributeurs européens déplorent un manque à gagner de 49 milliards d’euros par an. En France, les distributeurs investissent 0,3% de leur chiffre d’affaires, soit 2,8 milliards d’euros — près de 38% du coût total des pertes.

Il semblerait que le secteur public soit aussi touché, n’est-ce pas ?

Le service public doit aussi faire face à de nombreuses pertes et dépenses à cause de l’insécurité, principalement liées au vandalisme, aux agressions des agents publics et les menaces sur leurs systèmes d’information. En France en 2018, les dépenses publiques liées à l’insécurité s’élèvent à 26,8 milliards d’euros.

Les collectivités assument également le poids de l’insécurité avec l’augmentation de leurs effectifs de police municipale, passant ainsi de 3 000 à 24 000 agents en 40 ans — coût non négligeable à l’heure des restrictions budgétaires. À cela s’ajoute le coût des 935 000 caméras installées sur l’espace public. Les maternités jusqu’alors préservées investissent de plus en plus dans l’achat de bracelets d’identité et de sécurité, afin de prévenir les enlèvements de nouveau-nés. Le cas est similaire avec les palais de justice, qui s’équipent de portails magnétiques, afin de prévenir toute agression.

« La sécurité sanitaire est au cœur du pacte de confiance pour le développement du commerce international » par Pascal Lecamp, député de la Vienne

Pascal Lecamp, député de la Vienne et commissaire aux finances, ancien diplomate économique passé par 6 pays de l’Angola au Canada, plaide pour mettre la sécurité sanitaire au centre du commerce extérieur français et européen. En amont du sommet Union Européenne- Communauté des états latino-américains et des Caraïbes des 17 et 18 juillet 2023, au début de la présidence espagnole du conseil de l’Union Européenne, il insiste sur l’importance de faire respecter les normes sanitaires et environnementales de production européennes dans nos échanges internationaux pour garantir l’acceptabilité de notre modèle économique ouvert sur le monde.

Quel est le lien entre sécurité sanitaire et commerce international ?

La sécurité sanitaire est un sujet technique, un peu aride, qui recouvre l’ensemble des réglementations, normes, procédures sanitaires et phytosanitaires mises en place pour protéger la santé humaine, animale, végétale. Tout cet arsenal vise à minimiser les risques liés à l’importation et à l’exportation de produits agricoles et alimentaires. Il est donc au cœur du pacte de confiance pour le développement du commerce international.

Est-ce vraiment un enjeu prioritaire ?

Absolument. Au moment des discussions sur le CETA, j’ai pris conscience de l’opposition croissante aux accords de libre-échange. Lorsque, comme moi, on a passé toute sa carrière chez Ubifrance, puis Business France, au service du développement international des entreprises, et que l’on sait qu’un emploi sur 7 en Europe dépend de l’export, c’est un sujet qui alerte. Les raisons à la défiance envers les traités commerciaux sont diverses, mais les considérations environnementales, sanitaires, sociales, vont grandissantes. Alors que je crois que le commerce international peut être un moteur très puissant pour la trajectoire globale de transition environnementale. Et cela passe par une sécurité sanitaire garantie de bout en bout.

En quoi la sécurité sanitaire dans les échanges commerciaux peut-elle être facteur de changement dans
la trajectoire environnementale ?

Il y a un lien très clair entre la sécurité sanitaire et l’environnement : certaines pollutions environnementales ont des impacts négatifs sur la santé humaine, je pense par exemple au chlorpyrifos qui pose un risque de neurotoxicité pour les enfants.

D’un côté, l’Union Européenne s’est dotée depuis le règlement-cadre de 2000 qui a notamment institué l’EFSA jusqu’à la stratégie « De la Ferme à la Fourchette », des normes les plus ambitieuses au monde dans ce domaine. De l’autre, nous avons, à l’échelle européenne, importé pour 172 milliards d’euros de produits agricoles et alimentaires en 2022, c’est plus que le PIB du Qatar ! Nous sommes un débouché incontournable. Nous pouvons et devons contribuer à élever les standards de sécurité sanitaire mondiaux de nos partenaires commerciaux.

Comment cela se fait-il concrètement ?

Ce sont les fameuses mesures ou clauses- miroirs. C’est du langage juridique, mais c’est en réalité assez concret : on insère dans le règlement européen une mesure qui dit « ces normes de production pour notre marché intérieur s’appliquent aussi à toutes nos importations ». Une clause-miroir a le même effet mais elle est insérée dans un traité commercial. Nous avons des progrès à faire à ce sujet, c’était une des priorités de la France durant sa Présidence du Conseil de l’Union européenne, ce qui a notamment abouti à l’adoption du règlement sur la déforestation importée, qui suit la même logique.

Vous portez une résolution
sur l’accord UE-Mercosur : comment s’inscrit-elle dans cette logique ?

En effet, avec plusieurs de mes collègues, nous avons voulu envoyer un signal très clair : la représentation nationale s’oppose à l’accord UE-Mercosur en l’état, parce qu’il n’assure pas un niveau de sécurité ni sanitaire ni environnementale satisfaisant. Et lorsque la concurrence est déloyale, ce serait ici le cas, nous décourageons nos producteurs locaux qui sont soumis à des interdictions et obligations nombreuses, tout en affaiblissant l’effet positif de nos avancées sanitaires. Je vais vous donner un exemple : au Brésil, les bovins sont élevés aux antibiotiques de croissance. C’est interdit chez nous, mais quel intérêt si près de 100 000 tonnes-équivalent- carcasse arrivent chaque année sur nos marchés et donc dans l’assiette de nos concitoyens ? C’est dangereux pour l’acceptabilité du commerce extérieur pour les nouvelles générations, donc si nous voulons rester ouverts sur le monde, nous devons adopter une nouvelle matrice.

La cybersécurité, enjeu majeur de la cybersécurité de souveraineté économique ? par Constance Le Grip

La transition numérique est un formidable vecteur de progrès pour nos sociétés. Elle multiplie les opportunités et élargit le champ des possibles pour nos concitoyens, nos entreprises, nos territoires et notre pays. Toutefois, l’espace numérique est encore peu régulé et ouvre la porte à de nombreuses actions criminelles, de la part d’individus mais aussi de groupes organisés ou encore d’États, qui mettent à mal notre souveraineté économique.
La dépendance croissante de vastes pans de notre économie aux outils numériques s’accompagne donc intrinsèquement d’une menace pour la sécurité de nos entreprises.
Si beaucoup de grands groupes ont saisi le problème à bras le corps, si le Gouvernement s’est emparé
avec volontarisme du sujet, il reste que beaucoup d’entreprises — de grande taille mais aussi et surtout de moyenne, de petite, voire de très petite taille – sont largement déficientes en matière de sécurité numérique.
Pour Constance Le Grip, Députée des Hauts-de-Seine, Vice-présidente de la délégation parlementaire
du renseignement, dans un monde de plus en plus conflictuel, il en va là d’un enjeu de taille pour notre pays.

La France est-elle un pays particulièrement touché par les cyberattaques contre des entreprises privées ?

Thales, le groupe Leader, la Poste Mobile, In Extenso, Conforama, la coopérative bretonne Eureden, toutes ces entreprises françaises ont été victimes de cyberattaques majeures en 2022. Selon le baromètre Global Data protection Index 2022, de Dell Technologies, 86% des entreprises ont été touchées par une attaque informatique sur l’année 2022.

C’est dire combien la transition numérique, qui s’est particulièrement intensifiée dans le contexte de la pandémie de la covid-19, a fait de la cybersécurité l’un des enjeux les plus importants pour la sécurité de nos entreprises. Forbes indique ainsi que la cybercriminalité dans le monde a bondi de 600% avec la pandémie : Ransomwares, phishing, malware, vol de données... les techniques dont font usage les cybercriminels se complexifient et se diversifient.

Le CISA (Cybersecurity and Infrastructure Security Agency), une agence gouvernementale américaine que j’ai rencontrée lors d’un déplacement que j’ai effectué à Washington en février dans le cadre d’une délégation de la « Cyber Task Force », nous a indiqué dans son analyse de l’état des lieux de la cybermenace en France, que si des progrès restent à faire, les entreprises françaises se sont attelées avec quelque succès au vaste chantier de renforcement de leur cyber résilience.

Ainsi, selon le baromètre 2023 de Wavestone, 49% des grandes entreprises françaises peuvent être qualifiées de « mature » sur le plan de la sécurité, un chiffre en progression par rapport à l’année 2022.

Toutes les entreprises sont-elles indistinctement victimes de cyberattaques ?

J’aime à citer cette phrase de John Chambers, ancien PDG de l’entreprise Cisco : « Il y a deux types d’entreprises : celles qui ont été piratées et celles qui ne savent pas encore qu’elles ont été piratées ». Concrètement, les cyberattaques touchent tout type d’entreprises, et pas uniquement les grosses structures.

Toutefois, on constate une nette augmentation des attaques contre des entreprises de plus en plus petites. Pour l’Anssi (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information), l’amélioration de la cybersécurité des grandes entreprises pousse les cybercriminels à s’orienter vers des attaques de TPE/PME, qui ont souvent moins conscience du risque cyber ou qui n’ont pas les moyens de s’équiper d’un appareil de sécurité informatique digne de ce nom.

Le préjudice d’une cyberattaque pour une TPE/PME est tel que 71% de celles qui en font l’objet déposent le bilan dans les 3 ans (Symantec/IFOP). Il y’a donc là un sujet essentiel dont le gouvernement doit s’emparer.

Justement, que peut-il être fait par les pouvoirs publics pour lutter contre la cybermenace et pour construire la cyber résilience ?

L’enjeu est double : accompagner la création d’une filière de cybersécurité française à fort potentiel économique, et garantir à notre pays la maitrise des outils technologiques nécessaires à sa souveraineté.

C’est pourquoi le gouvernement a lancé en 2021 une stratégie nationale pour la cybersécurité, dotée d’1 milliard d’euros, et qui s’articule autour de 4 axes majeurs : acquérir des solutions de cybersécurité souveraines et innovantes, renforcer l’intégration des différentes parties prenantes de l’écosystème de la cybersécurité, soutenir la demande en matière de cybersécurité en sensibilisant les Français, et enfin investir dans la formation aux métiers de la cybersécurité. Le fer de lance de cette stratégie n’est autre que le Campus cyber, situé à Puteaux, dans ma circonscription. Ce dernier rassemble plus de 160 acteurs français et internationaux de la sécurité numérique, dont des entreprises (grands groupes, TPE, PME) des services de l’État (ministère de l’Intérieur, des Armées, Anssi) et des acteurs du monde académique et associatif. Il doit permettre d’aider à la réalisation de projets de recherche et de favoriser l’éclosion de licornes cyber françaises.

La croissance économique française ne se fera pas sans la sécurité en approvisionnement énergétique par Raphaël Schellenberger

Raphaël Schellenberger, député du Haut-Rhin, a récemment remis son rapport parlementaire sur les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, après 6 mois d’auditions intenses. L’expert en énergie, surnommé aussi « député de Fessenheim », était déjà l’auteur d’une mission d’information sur la fermeture de la centrale alsacienne lors de son précédent mandat. Mise en lumière d’un système court-circuité par des erreurs de stratégies politiques.

Assurer le bien-être de nos concitoyens mais dans le respect des libertés par Alain Houpert

Pour le sénateur de Côte-d’Or Alain Houpert, les nouvelles technologies doivent aider à renforcer la sécurité des citoyens et permettre de développer une économie souveraine, à condition qu’elle soit encadrée par les pouvoirs publics.

Le sénat vient d’adopter l’usage
de la reconnaissance faciale dans
le cadre de la sécurité des citoyens. Une mesure qui inquiète sur le plan de la vie privée. La sécurité doit-elle passer par une restriction de la vie privée ?

Il y a un équilibre à trouver entre la sécurité de nos concitoyens et le respect de la vie privée. Nous devons être attentifs à déployer des outils qui soient adaptés aux enjeux de la sécurité. Par exemple, l’usage de drones dans les manifestations peut répondre à une nécessité pour intervenir contre des casseurs, des dégradations volontaires et gratuites. C’est aussi une façon de préserver le droit de manifester. Pendant les mouvements de la réforme des retraites, certains n’osaient plus aller manifester par peur pour leur sécurité ou celle de leurs enfants. Il faut aussi garantir ces droits et c’est également une façon de lutter contre la récupération politique qui en est faite par l’exécutif qui utilise ces scènes que nous avons pu voir pour justifier un renforcement de la répression policière. Par contre, l’usage de drone pour verbaliser des manifestants pacifistes, c’est non ! Concernant la reconnaissance faciale, je m’ oppose à une généralisation et surtout, il m’apparaît indispensable d’encadrer drastiquement son usage, si nous devons être appelé à y recourir, à des situations d’urgence. Le vrai problème est que nous savons que par définition, tout ce qui est autorisé partiellement a tendance à se généraliser.

D’autant plus face à un gouvernement qui s’appuie davantage sur la Constitution que sur le parlement pour voter la loi et qui s’attache d’abord à ce qui est légal sans prendre en compte ce qui est moral ou idéologique.

Ces dernières années, la « sécurité » est devenue une question centrale. Et a vu émerger tout un pan économique tant dans le privé que le public. Comment selon vous doit-on aborder cette nouvelle économie ?

Les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle, les réseaux donnent accès à tout un panel de dispositifs qui sont de plus en plus efficaces mais qui menacent la vie privée des individus. L’exemple de la Chine est flagrant et c’est notamment l’une des craintes des citoyens des pays démocratiques. Nous avons besoin de sécurité, et c’est une opportunité économique pour les entreprises.

À conditions qu’elles soient françaises et qu’elles ne soient pas contrôlables. En matière de sécurité intérieure, ce n’est pas tant le manque de dispositif que les moyens humains des forces de l’ordre, de la justice qui manquent. S’appuyer sur les nouvelles technologies, c’est une nécessité mais nous devons faire émerger des technologies qui soient françaises et encadrées par les pouvoirs publics.

L’exemple des voitures-radar confiées à des prestataires privés en est l’exemple : véhicules non entretenus, manque de transparence. La sécurité est une mission de service public qui ne doit pas être délaissée à des entreprises dont le seul argument est celui de la rentabilité.

Nous ne pouvons pas non plus confier le traitement des données à des entreprises étrangères même de pays alliés. Si nous voulons moderniser notre sécurité. Il apparait indispensable d’investir dans une industrie souveraine, sous contrôle des pouvoirs publics, et avec des technologies qui ne dépendent pas de composants de l’autre bout du monde. Encore une fois, je pense que nous ne devons pas ignorer tout ce qui peut assurer le bien-être de nos concitoyens mais nous devons le faire dans le respect des libertés, pour que les usages facilitent la vie et ne la compliquent pas. Et malheureusement, en ce qui concerne les nouvelles technologies, et les enjeux publics, ce gouvernement nous a démontré qu’il n’en était pas capable avec une tendance fâcheuse à vouloir privatiser les pans les plus importants de notre vie quotidienne.

La sécurité : un moteur pour l'économie Française? par Eric Ciotti

La question de la place de la sécurité dans l’économie nous amène à considérer deux points de vue. Pour Éric Ciotti, Député des Alpes-Maritimes, Questeur de l’Assemblée nationale, la relation positive qu’il existe entre le fait d’avoir une société pacifiée, où la sécurité et l’ordre sont assurés, et la prospérité économique, qui ne peut se développer dans le chaos.

Il faut également avoir conscience que la sécurité est un secteur économique à part entière qui alimente lui-même la production de biens et de services, augmentant ainsi la richesse nationale. Tout ceci doit être entrevu à l’aune des mutations qui se font jour dans la manière d’assurer la sécurité, notamment par l’émergence de nouveaux acteurs.

Pourquoi s’intéresser à la place de la sécurité dans l’économie ?

Car la sécurité est un droit fondamental pour chaque individu, une des premières questions politiques et un enjeu majeur pour toute nation. La raison d’être même de l’État est d’assurer la sécurité collective, tant vis-à-vis des menaces extérieures, que des menaces intérieures. C’est le Léviathan de Thomas Hobbes, qui prévoit que chacun accepte de renoncer à un peu de liberté pour que la sécurité collective soit assurée par une entité supérieure, l’État, qui entretient une armée, une force de police et une justice. La pacification des sociétés a d’ailleurs été un préalable indispensable à l’essor du commerce et des échanges économiques. Sous le système féodal, les paysans payaient leur sécurité au seigneur, puis s’est construit l’État centralisé qui a peu à peu repris cette mission. Cette nécessité nourrit en retour l’économie, car pour répondre aux exigences de sécurité il faut bien produire les moyens pour l’assurer.

Quelle est justement la contribution de la sécurité à l’économie ?

Tant le secteur de la sécurité publique que le secteur de la sécurité privée contribuent à l’économie. Il y a ainsi de multiples fleurons français qui évoluent dans le secteur de la sécurité et qui fournissent les forces de sécurité française, mais exportent aussi à l’étranger. En ne considérant que les entreprises qui fournissent des produits de sécurité physique, de services électroniques et numériques ou encore de services de cybersécurité, et en excluant les entreprises de services de sécurité privée, la filière sécurité représente ainsi 4 000 entreprises, 130 000 emplois et 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires (dont 13 milliards d’euros réalisés à l’export). Cette filière est extrêmement innovante et, avec les enjeux de la transformation numérique et de la nécessaire sécurisation des données, elle est un moteur important de notre développement technologique. Ainsi, les industriels de la sécurité investissent près de 1,7 milliard d’euros dans la recherche et développement, soit 5% de leur chiffre d’affaires global. Il est à ce titre déplorable que nous ne protégions pas assez nos fleurons. J’en veux pour exemple Alsid, pépite française de la cybersécurité, qui protégeait nos grands groupes industriels comme Sanofi, Vinci Energies ou encore Lagardère, que le gouvernement a laissé être rachetée en 2021 par l’américain Tenable. Par ailleurs, le budget de la sécurité publique peut être considéré comme contribuant aussi au fonctionnement de l’économie. En 2023 ce sont ainsi 23 milliards d’euros, soit près de 1% du PIB, qui est consacré à la mission « sécurités » du budget de l’État. Les enjeux de sécurisation importante à l’approche de l’organisation des Jeux olympiques 2024 dans notre pays vont également contribuer au dynamisme du secteur de la sécurité dans notre économie. La sécurité privée, en plein essor ces dernières années, devrait d’ailleurs y prendre sa part.

Quelles perspectives tracez-vous quant à la place de la sécurité privée ?

Je tiens tout d’abord à rappeler que l’acteur principal de la sécurité dans notre pays est et doit rester l’État. Il peut naturellement s’appuyer, sans se défausser, sur les collectivités territoriales dotées par exemple de polices municipales ou de gardes-champêtres dans les territoires ruraux. Il est vrai cependant que les entreprises de sécurité privée sont également devenues un acteur à part entière de la sécurité intérieure. Celles-ci ont d’ailleurs connu une croissance très importante ces dernières années. Un rapport parlementaire, établi par les députés Jacqueline Macquet et Dino Cinieri en 2021 pointe ainsi que le marché de la sécurité privée a connu une croissance soutenue ces dernières années, del’ordrede+4,5%en2018etde+5% en 2019, représentant un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros. Les entreprises de ce secteur ont donc tout à fait leur place dans le continuum de sécurité tel qu’il existe dans notre pays, en particulier en vue des Jeux Olympiques où près de 10 millions de spectateurs sont attendus.

Améliorer le pouvoir d’achat en amplifiant le partage de la valeur par Louis Margueritte

Le 10 février 2023, les organisations syndicales et patronales sont parvenues à conclure un accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur. La conclusion de cet accord est la preuve que le dialogue social fonctionne en France.

Le 12 avril dernier, nous avons publié avec ma collègue EELV Eva Sas un rapport d’information portant
sur l’évaluation des outils sociaux et fiscaux de partage de la valeur dans l’entreprise.
Au cours de nos travaux, nous avons auditionné une quarantaine d’acteurs : organisations syndicales et patronales, fédérations, économistes, universitaires, administrations publiques ainsi que des associations et fédérations spécialisées dans les outils du partage de la valeur.
La bonne tenue des auditions et la diversité des acteurs interrogés nous ont permis d’établir un diagnostic complet sur l’état du partage de la valeur en France.

Deux constats se dégagent.

D’une part, la valeur est globalement bien répartie dans l’hexagone.
En effet, la France figure en deuxième position des pays d’Europe en matière de déploiement des outils de partage de la valeur (intéressement, de participation, d’épargne salariale, et de prime de partage de la valeur), derrière la Slovénie. D’autre part, si la France est bien positionnée à l’échelle européenne en ce qui concerne le partage de la valeur, de fortes disparités selon la taille des entreprises.

La part des salariés couverts par au moins un dispositif n’est que de 20% dans les entreprises de 10 à 49 salariés alors qu’elle est de 89% pour les entreprises de plus de 1 000 salariés.

Dans cette perspective, l’ANI conclu par les partenaires sociaux le 10 février dernier constitue une avancée historique.

Il vise en effet à :

- Obliger toutes les entreprises de 11 à 49 salariés qui font au moins 1% de bénéfice à mettre en place un dispositif de partage de la valeur (intéressement, participation, prime) : cette mesure profitera à 1,5 millions de salariés supplémentaires

- Obliger les entreprises faisant des bénéfices exceptionnels à mieux partager la valeur.

 

La première Ministre Elisabeth Borne a annoncé le 20 février que l’ANI sur le partage de la valeur fera l’objet d’une transcription fidèle dans la loi. Il en va du respect du dialogue social.

Je défendrai ce projet de loi à l’Assemblée nationale à la fin du mois de juin en tant que rapporteur.

Amplifier le développement des outils de partage de la valeur dans l’entreprise est essentiel pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés et instaurer davantage de justice sociale dans les entreprises.

Je porte l’espoir que ce projet de loi pourra rassembler sur tous les bancs, bien au-delà de la majorité présidentielle. C’est une question de justice sociale et d’intérêt général.

Protégeons la cuisine du terroir, de transmission, cultivons l’âme de la France ! par Alexandra Borchio Fontimp

Les spécificités locales ne font pas seulement partie de notre patrimoine culinaire, elles sont une vertèbre indispensable dont l’affaiblissement entraînerait l’affaissement de toute la Culture française en général. Alors que les créations picturales ou encore musicales, pour ne citer qu’elles, sont protégées, la créativité culinaire française est, quant à elle, enfermée dans un flou juridique qui n’est plus acceptable. C’est pourquoi, en étroit lien avec des associations et des avocats spécialistes,
Alexandra Borchio Fontimp, sénatrice des Alpes-Maritimes, a déposé le 6 avril 2023 une proposition
de loi visant à garantir la protection des recettes régionales françaises et des créations culinaires.

Quelles ont été les sources à l’origine de votre proposition de loi ?

Je crois que la cuisine est une partie indéniable de notre patrimoine. Comme la Tour Eiffel, les châteaux de la Loire ou le Mont Saint-Michel, il m’est impossible d’accepter qu’on puisse faire tout mais surtout n’importe quoi avec ces monuments de nos cultures régionales.

L’idée de cette proposition de loi m’est venue en réalité dans les rayons de mon supermarché. En faisant mes courses, je me suis rendue compte que certains industriels avaient la fâcheuse tendance de dévoyer les recettes de mon enfance dans le seul objectif de faire plus de profit. Or, galvauder le contenu de la salade niçoise, du pan bagnat ou de la choucroute relève de l’hérésie culinaire.

C’est pourquoi, j’ai souhaité rédiger en étroite collaboration avec Maitre Thimothée Fringans-Ozanne, Présidente de l’association Toqualoi et suite à de nombreux échanges avec Frank Viano, Président de l’association Cuisine Niçoise une proposition de loi qui vise à préserver nos spécificités.

Concrètement, de quoi est composée votre proposition de loi ?

Ma proposition de loi est avant tout incitative, elle vise à proposer des solutions structurées et structurantes pour garantir la pérennité de notre cuisine régionale. Loin de vouloir pénaliser les amateurs de cuisine comme les grands chefs, elle a pour objectif de décourager certains industriels du secteur de l’agro- alimentaire qui détournent la composition originelle d’un plat en le vendant en pleine conscience sous l’appellation de « cuisine traditionnelle régionale ».

Plus précisément, ce texte prévoit le renforcement des pouvoirs et des compétences de l’institut national de la propriété industrielle, la mise en place d’un répertoire des recettes régionales françaises, la création d’une mention « recette régionale française » symbolisée par le logo ci-contre ou encore la création d’un certificat de création culinaire.

Quelles sont les conséquences issues de votre proposition de loi ?

Les conséquences de notre travail législatif sont multiples mais si je devais les résumer en une phrase, j’aurais tendance à vous dire qu’il s’agit « de rendre à César ce qui appartient à César ».

Notre travail a eu pour objectif d’offrir un cadre juridique à un domaine initialement peu ou pas encadré par le droit positif. À l’image des brevets très répandus dans le milieu entrepreneurial, le certificat de création culinaire vise à établir sous certaines conditions un titre de propriété industrielle. De cette manière, l’objectif est de protéger le créateur des usurpateurs en lui conférant un droit exclusif d’exploitation.

De plus, notre proposition a pour but de sanctuariser une partie essentielle de ce qui fait l’histoire de France. Par la mise en place d’un répertoire des recettes régionales françaises, nous permettons dans un souci de transmission aux générations à venir la reproduction à l’identique des plats régionaux de leurs aïeuls.

Par ailleurs, à l’image de la mention « Appellation d’Origine Contrôlée » bien connue par les consommateurs français, nous souhaitons que soit mis en place la mention « recette régionale française » afin de rendre un hommage supplémentaire à un plat qui, par la seule existence composerait une partie du patrimoine culinaire français.

Enfin, même si comme je le disais précédemment, la proposition de loi a un objet essentiellement incitatif, nous avons souhaité mettre en place en dernier recours et lorsque la mauvaise foi ne fait nul doute, la possibilité pour la personne qui estime avoir un droit sur le certificat de création culinaire ou la personne lésée de revendiquer en justice la propriété de la demande ou du certificat de création culinaire délivré. Ainsi, lorsque le caractère incitatif ne permet pas de résoudre le conflit, la justice civile et pénale prendra le relai pour sanctionner tout acte constitutif d’un acte de contrefaçon.

Pourquoi est-ce si important ?

À l’heure où notre pays traverse une perte de repères sans précédent, il est fondamental de tenter humblement de rebâtir des garde-fous.

La France est le fruit de son histoire et puise ses racines au plus profond des âges. Si l’incendie de Notre-Dame a eu pour certains l’effet d’un électrochoc rappelant que notre pays se composait d’un patrimoine bâtimentaire extraordinaire, je crois qu’il est opportun de rappeler que la France est aussi le fruit de son patrimoine immatériel, de ses savoir-faire et de son patrimoine culinaire.

Ainsi, dans cet objectif, l’introduction d’une protection juridique de nos recettes traditionnelles régionales et créations culinaires nouvelles permettrait d’une part une plus grande valorisation de nos magnifiques territoires et encouragerait véritablement d’autre part l’innovation culinaire.

Lutter contre l’occupation illégale de terrains privés, par Xavier Albertini

Adjoint chargé de la sécurité auprès du maire de Reims durant de nombreuses années et toujours conseiller communautaire du Grand Reims, Xavier Albertini a eu à connaître des situations dans lesquelles des entreprises étaient entravées physiquement, matériellement dans leur liberté de commercer par
des comportements condamnables. Le député a été parfois frustré de ne pas disposer d’une législation adaptée pour garantir le respect de l’ordre public sur le territoire de sa commune. Son expérience
d’élu local nourrit continuellement le Législateur désormais.

En tant qu’adjoint à la sécurité, quelle mesure que vous avez prise vous semble la plus pertinente ?

Je fais partie de ses responsables politiques qui pensent que la sécurité est la première des libertés. Un élu local peut développer absolument toutes les politiques les plus audacieuses, si ses concitoyens ne se sentent pas en sécurité, l’impact des politiques mises en œuvre est considérablement amoindri car l’adhésion sera partielle.

J’ai suivi notamment, en tant qu’adjoint chargé de la sécurité, le déploiement du plan de mise en place de caméras de videoprotection dans la ville de Reims, et en particulier positionnées dans les artères commerçantes.

Les élus locaux ont-ils suffisamment d’outils pour faire respecter l’ordre public?

Les outils à la disposition des élus locaux peuvent être insuffisants pour maintenir l’ordre public. Cela peut être le fait d’une législation inexistante, incomplète, inadaptée ou par l’interprétation de cette législation par les autorités compétentes.

Élu député, j’ai donc utilisé les expériences de terrain en tant qu’élu local pour travailler un dispositif légal concret pour réformer l’accueil des gens du voyage : une réforme équilibrée sur les devoirs, obligations et droits des uns et des autres, des collectivités comme des communautés des gens du voyage.

Chacun a des responsabilités : les uns de mettre en œuvre la loi et en particulier en mettant à disposition des aires d’accueil, les autres de ne pas occuper illégalement des terrains publics comme privés.

Ce sont aussi des entrepreneurs qui sont les victimes de ces occupations illégales, de dégâts dont les coûts peuvent être exorbitants car outre les dégradations, c’est l’activité économique qui est paralysée.

Que contient votre proposition deloi?

Les 3 premiers articles de cette proposition de loi renforcent donc l’arsenal de sanctions à la main du préfet, des élus locaux, via des procédures de police administrative ou judicaire lorsque l’occupation illégale ou les dégradations sont constatées sur des terrains publics comme privés.

Concrètement l’article 1 de la proposition de loi vise à renforcer la procédure administrative d’évacuation d’office des résidences mobiles en cas de stationnement illicite. Il est d’abord proposé de doubler la durée d’effe de la mise en demeure du préfet, pour passer de 7 à 14 jours. Pour éviter que les campements évacués se reconstituent de nouveau de manière illicite sur la commune ou sur le territoire de l’EPCI dans un temps court, il est nécessaire d’allonger la durée d’applicabilité de la mise en demeure à 14 jours. Il est également proposé de transformer la compétence discrétionnaire en compétence liée du préfet s’agissant de procéder à l’évacuation d’office dès lors que la mise en demeure n’a pas été suivie d’effet. L’idée est vraiment d’agir vite et de libérer les terrains dès les premiers jours.

L’article 2 complète le code pénal. La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est actuellement punie de 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende dans des cas énumérés limitativement. Il s’agit par cet article d’inclure comme fait générateur de ce délit l’installation sans titre sur un terrain. Très souvent les collectivités et les propriétaires privés constatent d’importants dégâts pour forcer l’entrée d’un terrain. Ces comportements ne doivent pas rester sans sanction. La peur de la sanction doit dissuader les comportements délictueux.

Enfin l’article 3 modifie le code pénal en reversant la charge de la preuve. L’occupant pour apporter la preuve de son installation licite sur un terrain devra fournir un justificatif et disposer de l’identité du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain. L’installation sans titre peut actuellement s’éteindre par le versement d’une amende forfaitaire de 500€. Il est proposé de la porter à 1 000€. Il est aussi prévu de transformer d’une compétence discrétionnaire à une compétence liée la saisie des véhicules à l’exception de ceux destinés par nature et non par transformation à l’habitation.

Pensez-vous que ce sera suffisant ?

Ces 3 nouveaux dispositifs légaux comblent les lacunes d’une législation qui ne permet pas aux élus locaux, aux personnes privées d’agir efficacement dès les premiers jours de constatation d’une occupation illégale.

Ce texte, soumis à l’avis d’élus locaux et de membres du corps préfectoral, a reçu le soutien transpartisan de dizaines de députés et je m’attelle à ce qu’il soit inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Les enjeux économiques de la sécurité privée par Dino Cinieri

En 2020, Dino Cinieri, Député de la Loire, Conseiller Régional d’Auvergne-Rhône-Alpes et ancien chef d’entreprise dans le domaine de la sécurité, a été nommé rapporteur d’une mission d’information sur les enjeux économiques de la sécurité privée.

Pourquoi avoir demandé cette mission à Roland Lescure alors Président de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale ?

Le secteur de la sécurité privée reste très méconnu des Français qui ne connaissent généralement que l’agent de sécurité au sein des espaces commerciaux ou immobiliers, alors qu’il existe une multitude de professions en son sein qui constituent autant de segments aux fondamentaux parfois très différents, allant du transport de fonds et de valeurs à la sécurité électronique, en passant par la protection rapprochée et la sûreté aéroportuaire.

La sécurité privée est une filière économique essentielle pour notre pays, surtout à l’approche d’événements internationaux de grande ampleur comme la coupe du monde de rugby qui aura lieu en septembre 2023 ou les Jeux Olympiques de Paris en 2024.

Avec ma collègue co-rapporteur Jacqueline Maquet, Députée du Pas-de-Calais, nous avons voulu offrir une visibilité forte à un sujet trop peu traité et formuler des propositions pour faire évoluer son cadre de régulation et d’exercice.

Qu’est ce qui vous a le plus frappé lors des nombreuses auditions menées ?

Durant les mois de travail et d’auditions, nous avons pu entendre un large panel d’acteurs et dresser ainsi un portrait relativement complet de ce secteur d’activité protéiforme.

Le marché de la sécurité privée est à la fois complexe, dynamique et en proie à des difficultés d’ordre structurel et conjoncturel. Il connaît des taux de croissance de 3 à 5% par an ces dernières années, essentiellement portés par les activités de surveillance humaine et de sécurité électronique. Mais il est aussi fragilisé par des difficultés conjoncturelles et structurelles importantes et différentes selon ses segments.

Ces difficultés conjoncturelles et structurelles sont-elles inéluctables ?

Les difficultés conjoncturelles résultent de l’impact de la crise sanitaire, qui ont surtout touché certains segments comme l’événementiel et l’aérien. 70% des entreprises déclarent avoir connu une baisse de chiffre d’affaires en 2020, et 50% déclarent que cette perte a dépassé 15%. La fin de la crise laisse toutefois espérer une reprise satisfaisante des activités.

Mais des difficultés structurelles plus sectorielles existent également. Elles prennent la forme, par exemple dans le secteur de la surveillance humaine, d’une pression à la baisse des prix et de pratiques de sous-traitance en cascade, avec des conséquences évidentes pour ses agents en termes de précarité.

Le transport de fonds et de valeurs fait face à un marché domestique de taille limitée et au recul du cash qui le conduit à devoir faire évoluer son modèle économique.
Enfin, d’autres segments rencontrent des difficultés liées parfois à des lenteurs administratives (protection rapprochée), ou à l’absence de reconnaissance de leur profession (sécurité événementielle) ou de régulation suffisante de celle-ci (recherches privées, surveillance humaine etc.).

Seule la sécurité électronique paraît échapper en partie à ces difficultés, en raison de la composante technologique plus importante de son activité et à des leviers de croissance liés au développement des technologies numériques.

Quels leviers le législateur peut-il enclencher pour soutenir ce secteur ?

La loi pour une sécurité globale préservant les libertés a constitué un véhicule puissant de débats et a porté des avancées importantes, en encadrant la sous-traitance notamment.

Dans le cadre de la Mission d’information, nous avons fait quinze propositions sur la formation, l’apprentissage, l’adaptation du cadre juridique de certaines professions, l’assouplissement du continuum de sécurité ou encore la promotion d’une véritable culture commune de la sécurité publique chez les Français mais aussi chez les acheteurs publics.

La sécurité privée est une filière majeure pour l’économie et la société française qui doit être davantage valorisée pour constituer un outil de sécurité pour nos concitoyens, et de compétitivité pour notre pays. Sa structuration en filière doit donc être approfondie, avec l’appui des pouvoirs publics, et sa visibilité renforcée, au profit d’une meilleure intégration au sein des pratiques quotidiennes de sécurité. Cela ne pourra se faire sans une véritable reconnaissance de l’apport de ces différents métiers à notre pays dans un contexte où le risque terroriste reste élevé et où ces professions ont été, elles-aussi, en première ligne pendant la crise sanitaire.

La cybersécrurité : un enjeu démocratique majeur par Virginie Duby-Muller

Aujourd’hui les cyberattaques ne cessent de se multiplier : depuis février 2020, 1377 raids informatiques avec demande de rançons ont été répertoriés en France.
Virginie Duby-Muller, député de la Haute-Savoie et Vice-Présidente du groupe d’études « Économie, sécurité et souveraineté numériques » alerte sur l’importance d’apporter des réponses coordonnées et proportionnées à cette menace importante pour notre économie et plus largement notre démocratie.

Ces dernières années ont été marquées par la montée en puissance continuelle des cyberattaques, faisant de la cybersécurité
un enjeu majeur aussi bien pour
les professionnels que pour les particuliers ou les administrations. Qu’en est-il réellement aujourd’hui ?

La transformation numérique que nous avons connue ces dernières années a mécaniquement entraîné de nouvelles menaces en matière de cybersécurité. Ainsi, récemment, lors de la pandémie de coronavirus, les entreprises ont dû s’adapter au télétravail, ouvrant ainsi de nouvelles portes et plus de possibilités pour les cybercriminels. 2021 a donc été marquée par une augmentation de 68% des cyberattaques en Europe, selon le spécialiste en cybersécurité israélien CheckPoint. Le secteur de la santé a été particulièrement touché (+108% d’attaques), ainsi que les secteurs banque/ finance (+98%) et administration/défense (+86%).

L’année 2022 a vu les actes de piratage continuer d’augmenter, cette fois renforcés par la guerre en Ukraine et la complexification des relations entre la Russie et le monde occidental. La protection contre les cyberattaques est plus que jamais devenue un enjeu majeur pour les entreprises et les États. Aucun secteur n’est épargné : l’industrie, l’agriculture, la finance, l’hôpital ou les collectivités locales, tous peuvent désormais faire l’objet d’une cyberattaque. Ainsi en Haute-Savoie, la mairie d’Annecy et celle de Ville-La-Grand ont été attaquées. Sans compter l’Assemblée nationale et le Sénat qui ont également subi une attaque russe, ce qui montre le danger que courent nos démocraties.

Les conséquences des attaques des hackers peuvent aussi être lourdes et polymorphes (atteintes économiques, pertes de données, paralysie des systèmes d’information, piratage d’infrastructures sensibles...). Dans ce monde chaque jour plus dangereux, la guerre en Ukraine a montré que la manière de faire la guerre évolue elle aussi : outre les champs de conflictualité traditionnels (l’air, la terre et la mer), il faut désormais ajouter l’espace et les fonds marins mais aussi les champs immatériels tels que le cyberespace ou les fake news. Les cyberattaques constituent des

actes de guerre. C’est pourquoi, j’ai voté en faveur de la Loi de Programmation Militaire 2030 qui consacre un effort budgétaire substantiel de 413 milliards d’euros dédié à nos armées, soit 2% du PIB, dont 4 milliards pour le cyber, 6 milliards pour l’espace, 8 milliards pour le numérique et 10 milliards pour l’innovation. Aux moyens financiers s’ajoute un renforcement des prérogatives des agents de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) pour lutter plus efficacement contre le risque cyber.

Comment lutter contre la cybercriminalité ?

Les États comme les entreprises ont désormais pris conscience des dangers numériques qu’ils encourent. Le secteur de la cybersécurité est donc particulièrement dynamique : les solutions de cybersécurité se perfectionnent constamment, se tournant vers des technologies mêlant intelligence artificielle, mutualisation et utilisation d’informations diverses, prises de décision automatisée, ou encore analyse du comportement des utilisateurs pour les outils les plus avancés. Le Forum International de la cybersécurité, qui se tient chaque année à Lille, permet de constater le dynamisme de l’ensemble de l’écosystème, dynamisme que les pouvoirs publics soutiennent.

Je pense ainsi au plan de 1 milliard d’euros pour renforcer la cybersécurité qui s’inscrit désormais dans la stratégie nationale d’accélération de la filière cybersécurité dans le cadre de France 2030 qui comprend notamment un financement public de 250 millions d’euros pour développer plusieurs volets ou à l’effort dans la LPM.

Au-delà de l’aspect financier, il faut mettre en place une stratégie globale pour développer une filière française de la cybersécurité. L’inauguration du Campus Cyber, inspiré de l’exemple israélien de Berska, y contribuera, je l’espère. En effet, ce campus rassemble sur un même site des entreprises (grands groupes, PME), des services de l’État, des organismes de formation, des acteurs de la recherche et des associations afin de mettre en œuvre des actions communes en matière de cybersécurité.

Ces mesures suffisent-elle ?

S’il est important de mutualiser les compétences afin de lutter toujours plus efficacement contre les cyberattaques, il faut également renforcer les moyens alloués à la police. La police française a d’ailleurs axé son action sur la coopération internationale. Les policiers de la BLC2 ont ainsi mené seize missions à l’étranger en 2022. En effet, les hackeurs ignorent les frontières : il est donc essentiel que les polices coopèrent et échangent des informations indispensables au démantèlement des réseaux criminels. Afin d’optimiser les recoupements opérationnels, les polices pourraient aller plus loin en harmonisant leurs méthodes de travail sur la prise de plaintes ou les méthodes d’investigation. Indéniablement, les JO de Paris seront un test grandeur nature de notre capacité à lutter efficacement contre les attaques cyber.

Soutenir nos entrepreneurs, faire le choix de la France, éditorial de Jean-Michel Fourgous

Nous partageons tous ici le même gout pour la valeur travail et l’entreprise. Nous admirons et soutenons nos entrepreneurs français. Dans ce monde si compétitif, nos entrepreneurs sont les porte-étendards de la réussite et de l’excellence française. C’est pourquoi, il est de notre devoir de les encourager et d’agir comme des facilitateurs auprès d’eux.

Cela passe évidement par une vraie simplification normative et la création d’un climat favorable à l’entreprenariat. C’est une véritable urgence. Si cela n’a pas lieu, les entrepreneurs finiront par faire un choix rationnel : celui de l’exil plutôt que du matraquage fiscal et de la complexité. Prenons-en conscience.

Le ressort des entrepreneurs porte un nom, celui de l’innovation. L’innovation c’est la remise en cause permanente de l’existant afin de l’améliorer. Faire le choix de l’innovation revient donc à faire celui du progrès, de l’avenir. Innover c’est donc anticiper, une entreprise innovante aura donc toujours un temps d’avance sur ses concurrents. C’est ainsi que nous développons des filières d’excellence : aéronautique, défense, cybersécurité, etc. Toutes ont en commun cette recherche constante d’innovation. Ces filières d’excellence sont aussi un gage de résilience. Elles proposent des emplois à haute valeur ajoutée dans des secteurs stratégiques. Face aux multiples crises, c’est une vraie sécurité.

L’entreprenariat c’est aussi et surtout des valeurs. Celles qui font réussir. A un an des Jeux Olympiques de Paris, j’ai l’habitude de comparer nos entrepreneurs à nos sportifs. Les valeurs sont les mêmes : le travail, le gout de l’effort, la méthode, la prise de risque, le dépassement de soi, l’etc. Ce sont ces valeurs, porteuses de sens, que nous voulons transmettre à nos enfants. Ce sont elles qui font avancer, fixer un cap, un objectif et les moyens pour l’atteindre. Entrepreneurs et sportifs font rayonner la France et sont le reflet de ce que notre pays propose de meilleur. C’est pourquoi ces JO doivent également être la vitrine du génie français, du talent de nos entrepreneurs, de nos fleurons nationaux.

Entrepreneurs, dans un pays en proie à un certain déclassement vous avez un rôle de premier plan à jouer. J’ai la conviction que le redressement de la France passera par vous. A nous, responsables politiques, de vous permettre de le faire.

Face aux cybermenaces, préparons notre sécurité collective de demain, éditorial de Michel Herbillon

30 ans après l’arrivée d’Internet en France pour le grand public et à l’heure de la numérisation de notre société, l’ère de la fascination naïve pour le développement de ce merveilleux outil est bel et bien derrière nous. Désormais, les dangers associés aux systèmes informatiques sont une menace bien identifiée pour l’ensemble des acteurs de notre société dont les conséquences peuvent être majeures.

En France, en 2022, selon une étude menée par le Cesin, 45% des entreprises ont été la cible d’attaques informatiques et 14% ont été victimes de ransomware. Des chiffres en baisse au regard des années passées, mais qui demeurent particulièrement élevés. Ces attaques ont des conséquences concrètes pour nos entreprises puisque 35% de celles attaquées se sont fait dérober des données et 33% d’entre elles ont subi des usurpations d’identité.

En tant qu’élus, nous connaissons bien cette préoccupation des entreprises puisque l’Etat, les collectivités territoriales ou encore les hôpitaux sont régulièrement les cibles des pirates informatiques. Ceux-ci n’hésitent plus à divulguer les données personnelles confidentielles dont ils se sont emparés lors de cyberattaques comme ce fût le cas suite à l’attaque du centre hospitalier de Corbeil-Essonnes.

Ces opérations criminelles désormais bien connues cachent une réalité plus confidentielle, celle de l’espionnage. En effet, près de 80% de l’activité de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) est dédiée à la lutte contre l’espionnage qui touche l’ensemble des acteurs publics et privés de notre société. Ces atteintes, dont on parle peu, ont un impact majeur pour notre économie et notre sécurité nationale.

Selon Guillaume POUPARD, Directeur général de l’ANSSI de 2014 à 2022, ces attaques ne sont pas initiées par des organisations criminelles isolées, mais bien par des Etats. S’il demeure difficile de tirer un bilan des dégâts causés par l’espionnage, cet expert ne cache pas que les conséquences actuelles « font froid dans le dos » tant ces attaques touchent les acteurs stratégiques publics ou privés de notre pays.

Dans le même temps, l’ensemble des Armées du Monde se dotent aujourd’hui de capacités cyber, défensives et offensives, car il est désormais possible, du fait du développement croissant des systèmes informatiques, de détruire ceux-ci de manière plus aisée que par des moyens conventionnels. A cela s’ajoute l’apparition de nouveaux champs de conflictualité comme le spatial. C’est ainsi qu’un réseau satellitaire qui couvre notamment l'Europe et l'Ukraine a été victime d'une attaque cyber le 24 février 2022, alors que l'armée russe commençait à envahir l'Ukraine.

Face à ces nouveaux dangers qui concernent notre société dans sa globalité, individus, entreprises, collectivités ou encore l’Etat, nous avons l’impérieuse nécessité de nous protéger dès aujourd’hui. Chacun à notre échelle, nous nous devons de prendre conscience de la dangerosité inhérente aux systèmes informatiques et nous prémunir d’attaques qui ne manqueront pas de survenir. Il en va de la sécurité de nos données personnelles et professionnelles, de notre sécurité collective, mais surtout de notre souveraineté.

Notre défense de demain se prépare dès aujourd’hui : avec la loi de programmation militaire 2024/2030 qui prévoit des mesures pour accroitre les capacités d’action de l’ANSSI, avec la mobilisation d’un programme d’investissement d’un milliard d’euros dans le cadre la stratégie d'accélération pour la cybersécurité de France 2030 ou encore le recrutement de 1500 cyber patrouilleurs suite à la promulgation de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

D’autres évolutions législatives viendront aussi avec la prochaine transposition en droit français de la directive Network and Information System Security, adoptée par le Parlement européen en 2022, qui permettra de renforcer encore le champ d’action de l’ANSSI à un plus grand nombre de secteurs économiques et d’acteurs publics et privés.

Le défi qui est devant nous est immense. Chaque citoyen et entreprise devra prendre sa part pour défendre nos libertés individuelles, pour contribuer à notre sécurité collective, et in finedéfendre notre souveraineté au sein d’un début de 21ème siècle marqué par un regain des tensions internationales.

Nouvel horizon, éditorial de Victor Habert-Dassault

Le récent sommet du G7 à Hiroshima, au Japon, confirme l’importance croissante accordée
à la sécurité économique. Bien qu’elle ait été l’un des principaux sujets de discussion, aucun des 7 pays membres n’est d’accord sur sa définition.

Le récent sommet du G7 à Hiroshima, au Japon, confirme de l’importance croissante accordée à la sécurité économique. Bien qu’elle ait été l’un des principaux sujets de discussion, aucun des 7 pays membres n’est d’accord sur sa définition.

« Nous continuerons de veiller à ce que la gamme étroite et clairement définie de technologies sensibles essentielles à la sécurité nationale ou susceptibles de menacer la paix et la sécurité internationales fasse l’objet d’un contrôle approprié sans entraîner indûment de répercussions indésirables sur le commerce de technologies dans son ensemble. » Comment être rassuré par cette phrase confuse, sans fin et alambiquée ?

Sécurité des approvisionnement, vulnérabilités face aux catastrophes naturelles, aux pandémies, aux tensions géopolitiques et aux pratiques malveillantes, tous les mots ont été savamment choisis pour une déclaration collégiale. Que reste-t-il de ce constat ?

La principale vertu de cette déclaration, c’est qu’elle marque une prise de conscience qui n’existait pas jusqu’alors. La sécurité était strictement soumise aux fonctions régaliennes. Son existence n’était jamais prononcée dans une économie de marché mondiale et ouverte. Aujourd’hui, le tabou est levé. La sécurité est au centre de l’élaboration des politiques nationales comme internationales, au moment même où une nouvelle révolution industrielle a déjà commencé.

 

La sécurité n’est plus essentiellement basée sur une complémentarité d’actions entre les forces de l’ordre, les agents de sécurité et la vidéosurveillance pour protéger nos usines, nos commerçants et nos artisans. L’installation d’un antivirus sur l’ordinateur n’est plus une réponse non plus aux cybermenaces. Notre épanouissement et notre chute se trouvent emmêlés sur une toile sans frontière, brutale, évolutive.

 

Plus de 50% des arnaques ont lieu en ligne.

Plus de 80% des enfants ont déjà été exposés à des contenus pornographiques. Racisme, antisémitisme, homophobie, misogynie : en quelques minutes sur les réseaux sociaux, votre regard aura sûrement atterri sur une brutalité.

 

Alors, oui, physique ou virtuel, aucun terrain n’est à l’abri de l’insécurité.

 

L’exploitation des données facilitée par l’intelligence artificielle transforment l’économie et bien sûr, nos vies. Ces évolutions prometteuses sont exposées à des menaces nouvelles d’agression, comme par exemple, les cyber-attaques capables de paralyser les réseaux informatiques et de communication, d’hôpitaux, d’entreprises… des institutions puisque le Sénat, comme l’Assemblée nationale n'ont pas été épargnés.

 
De telles menaces sont cependant autant d’opportunités pour renforcer notre indépendance et garantir notre souveraineté. Les innovations stratégiques françaises dans la sécurité permettent à nos industries de remporter de nombreux succès à travers le monde. L’« Equipe de France » est dans ce domaine une des meilleures du monde. Ce qui peine encore peut-être chez nous, c’est le manque de formations et d’information sur les dangers dans l’usage d’outils si puissants.

En ce sens, l’évolution de la nouvelle révolution industrielle ne sera vertueuse que si elle porte en étendard, telle une devise inaliénable : la responsabilité, la maîtrise et la confiance.

Les usagers ont besoin de savoir que les données qu’ils partagent sont protégées.  Les fournisseurs ont les mêmes attentes, notamment au niveau de la maîtrise des flux digitaux. Tous doivent se sentir protégés.

Alors comment réussir ?

L’innovation. C’est elle qui portera ce vent de liberté nécessaire pour éviter que la sécurité ne devienne trop pesante. Ca semble paradoxale. Mais c’est loin d’être antinomique. Si la sécurité devenait la norme, elle serait un frein à la créativité. Et si la liberté d’innover ne prenait pas en compte le risque, alors, il n’y aurait plus de limites. Comme dans beaucoup d’autres champs de la vie, tout est une question d’équilibre. Il nous appartient de créer une ligne juste, proportionnée et adaptée aux opportunités qui naissent sous nos yeux.

 

Viande "in vitro" : bientôt dans nos assiettes?, d'Olivier Rietmann

Dix ans après la présentation du premier steak haché de boeuf cellulaire au monde, et alors que les initiatives privées se développent rapidement dans ce domaine, un diagnostic des produits et des procédés de l’industrie cellulaire s’impose pour éclairer les pouvoirs publics et les citoyens. C’est l’ambition portée par
Olivier Rietmann, sénateur de la Haute-Saône, au travers du rapport intitulé « Aliments cellulaires : être vigilant pour mieux encadrer et maîtriser la technologie » .
Il en ressort notamment que l’état de nos connaissances reste assez limité et que la recherche doit être encouragée, pour mieux appréhender cette technologie aux effets potentiellement très importants.

Pour ou contre les aliments cellulaires ? Telle n’est pas la question. En effet, en l'état actuel du droit, la décision de les autoriser (ou non) ne relève pas directement des États membres de l’Union européenne, et encore moins du Parlement. C'est la Commission européenne, sur avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui autorisera (ou non) la mise sur le marché des aliments cellulaires.

Analyser sérieusement les arguments avancés par les promoteurs de ces nouveaux produits constitue donc une priorité si l’on veut éviter ce qui prévaut actuellement de façon hypocrite pour les OGM, pour lesquels la France et l'Europe ont fait preuve d'une naïveté coupable en s'interdisant la production tout en autorisant les importations. Cet exemple a démontré qu'en fermant la porte par principe à une technologie, on est finalement contraint d’ouvrir les fenêtres, de façon cette fois subie !

En Europe, une hypothétique autorisation de mise sur le marché de tels produits ne sera vraisemblablement pas délivrée avant horizon 2025 : ce temps doit dès lors être perçu comme une opportunité de réfléchir collectivement à un cadre partagé.

L'état de nos connaissances étant aujourd’hui très limité en raison du manque de données impartiales et probantes, il est urgent de travailler, au moins préventivement, à façonner des standards français et européens avant qu’un produit en provenance des États-Unis ou de Singapour n'arrive dans nos assiettes.

Un effort doit d'abord être mené dans la compréhension du produit et des procédés en tant que tels. Sans nécessairement reproduire l'ensemble des travaux des entreprises, une unité mixte de recherche au sein de l'INRAE et du CNRS pourrait être dédiée à la maîtrise des techniques de l'industrie cellulaire et à une plus large diffusion des aspects les plus méconnus de ses procédés de fabrication.

Cette infrastructure publique constituerait un avantage compétitif pour les entreprises françaises  mais surtout une veille scientifique indispensable pour l’État français et pour ses gouvernants. Elle renforcerait nos chances de ne pas perdre pied dans la compétition mondiale pour la maîtrise de la technologie, et limiterait le risque de tomber dans la dépendance à de grandes entreprises étrangères.

Elle permettrait aussi d’éclairer les débats politiques à venir au plan national, européen et international. En effet, face aux nombreuses incertitudes qui demeurent également au sujet des conséquences de ces aliments cellulaires sur la société, il est essentiel de procéder à une évaluation socio-économique, environnementale et éthique. Ces organismes de recherche pourraient dès lors produire une expertise scientifique collective pour évaluer ce type d’impacts et pour anticiper les effets sur la santé humaine à long terme de la consommation d'aliments cellulaires.

Gardons toutefois à l’esprit que cet effort de recherche serait toutefois vain si les plus de cent entreprises qui développent ce produit dans le monde ne jouaient pas le jeu de la transparence. Ce principe paraît d'autant plus justifié que ce secteur, dont on a parfois l'impression qu'il veut laver plus blanc que blanc, fait des préoccupations écologiques un argument commercial majeur.

Sur le modèle de la transparence en matière de sécurité sanitaire vis-à-vis de l'EFSA, il s’agit d’imposer la transparence en matière environnementale aux entreprises de ce secteur, en obligeant par exemple la communication des données en analyse de cycle de vie aux autorités environnementales.

Ne répétons pas les erreurs du passé. Anticipons, soyons vigilants et apprenons à maîtriser la technologie pour mieux l’encadrer !

 

La place de la sécurité dans l’économie, éditorial de Valérie Bazin-Malgras

Le thème abordé dans ce numéro de GEEA est une ouverture sur de multiples sujets concernant notre monde économique : sécurité dans l’économie ou économie de la sécurité ? Résilience des entreprises ou audace d’entreprendre ? Voilà les questions qui peuvent naitre lorsque nous abordons ce terrain si fertile, puisqu’en effet, la sécurité des entreprises revêt plusieurs significations qui s’entremêlent et se confondent.

Si la sécurité est de prime abord une composante florissante de l’économie, c’est qu’elle répond à un besoin majeur pour les entreprises. La protection s’exprime sur tous les sites, tous les salariés ou toutes les données qu’une entreprise souhaite voir protéger. En somme, on peut dire que la sécurité, c’est la gestion des risques de l’activité économique.

 

La place de la sécurité est donc large dans le domaine de l’économie. Alors, parce que notre sujet traite du monde de l’entreprise et des entrepreneurs, il me parait plus pertinent de réduire à celui de la sécurité par et pour eux. Pour parler du besoin de sécurité des entrepreneurs, il faut nécessairement parler de l’insécurité qui obligent les entrepreneurs à être proactif.

 

Le monde économique vit autour de la notion de « risque » :  pour une entreprise, c’est un chèque frauduleux, une intrusion dans une infrastructure, un accident sur le lieu de travail. Mais parfois, le risque prend une autre forme, plus macroéconomique : comme une épée de Damoclès qui s’agite au-dessus de nos têtes, cela peut être la hausse d’un taux d’intérêt, d’un taux de change, d’un agrégat économique sur lequel les entreprises n’ont pas vraiment de pouvoir d’agir.

 

Il y a des risques matériels qui impactent le capital d’une entreprise, et des risques plus abstraits mais tout aussi périlleux.

 

Il y a la sécurité physique, bien sûr : les malveillances, les intrusions, les vols qui peuvent causer des préjudices financiers et logistiques. Par exemple, pour les agriculteurs, cela peut représenter des dégâts énormes, mettant en péril l’exploitation agricole entière.

 

Plus récemment, il y a les risques numériques. La protection des données devient une obligation avec la malheureuse montée en compétence de la cybercriminalité et la sophistication des attaques. Pare-feu, systèmes de détection d’intrusion et nouveaux protocoles de chiffrement ne sont plus des luxes mais une nécessité pour éviter la compromission de la sécurité des données.

 

Après ce panorama, il est important de souligner que la sécurité des entreprises ne relève pas exclusivement de leur responsabilité individuelle. Le législateur et les pouvoirs publics en général jouent un rôle crucial dans la mise en place d’un environnement propice à la vie sereine des entreprises.

 

Dans cette ambition de donner un cadre matériel permettant le développement des projets, la Technopole de l’Aube en Champagne joue ici un rôle d’incubateur permettant aux nouveaux entrepreneurs de se familiariser avec de nouvelles pratiques. Dans ces « start-up », plusieurs se développent dans le domaine très demandé de la cybersécurité des entreprises. Située à Troyes, elle propose un programme destiné aux entreprises naissantes, leur donnant l’accès à un réseau de conseillers, mais aussi à une offre immobilière et les meilleures ressources pour aider les entrepreneurs à développer leur projet. De cet incubateur sort un environnement propice aux entreprises et aux entrepreneurs.

 

Voilà le cœur de notre projet industriel et entrepreneurial : permettre aux entrepreneurs de travailler dans la sécurité nécessaire à l’épanouissement de leurs projets.