La sécurité : un moteur pour l'économie Française? par Eric Ciotti

La question de la place de la sécurité dans l’économie nous amène à considérer deux points de vue. Pour Éric Ciotti, Député des Alpes-Maritimes, Questeur de l’Assemblée nationale, la relation positive qu’il existe entre le fait d’avoir une société pacifiée, où la sécurité et l’ordre sont assurés, et la prospérité économique, qui ne peut se développer dans le chaos.

Il faut également avoir conscience que la sécurité est un secteur économique à part entière qui alimente lui-même la production de biens et de services, augmentant ainsi la richesse nationale. Tout ceci doit être entrevu à l’aune des mutations qui se font jour dans la manière d’assurer la sécurité, notamment par l’émergence de nouveaux acteurs.

Pourquoi s’intéresser à la place de la sécurité dans l’économie ?

Car la sécurité est un droit fondamental pour chaque individu, une des premières questions politiques et un enjeu majeur pour toute nation. La raison d’être même de l’État est d’assurer la sécurité collective, tant vis-à-vis des menaces extérieures, que des menaces intérieures. C’est le Léviathan de Thomas Hobbes, qui prévoit que chacun accepte de renoncer à un peu de liberté pour que la sécurité collective soit assurée par une entité supérieure, l’État, qui entretient une armée, une force de police et une justice. La pacification des sociétés a d’ailleurs été un préalable indispensable à l’essor du commerce et des échanges économiques. Sous le système féodal, les paysans payaient leur sécurité au seigneur, puis s’est construit l’État centralisé qui a peu à peu repris cette mission. Cette nécessité nourrit en retour l’économie, car pour répondre aux exigences de sécurité il faut bien produire les moyens pour l’assurer.

Quelle est justement la contribution de la sécurité à l’économie ?

Tant le secteur de la sécurité publique que le secteur de la sécurité privée contribuent à l’économie. Il y a ainsi de multiples fleurons français qui évoluent dans le secteur de la sécurité et qui fournissent les forces de sécurité française, mais exportent aussi à l’étranger. En ne considérant que les entreprises qui fournissent des produits de sécurité physique, de services électroniques et numériques ou encore de services de cybersécurité, et en excluant les entreprises de services de sécurité privée, la filière sécurité représente ainsi 4 000 entreprises, 130 000 emplois et 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires (dont 13 milliards d’euros réalisés à l’export). Cette filière est extrêmement innovante et, avec les enjeux de la transformation numérique et de la nécessaire sécurisation des données, elle est un moteur important de notre développement technologique. Ainsi, les industriels de la sécurité investissent près de 1,7 milliard d’euros dans la recherche et développement, soit 5% de leur chiffre d’affaires global. Il est à ce titre déplorable que nous ne protégions pas assez nos fleurons. J’en veux pour exemple Alsid, pépite française de la cybersécurité, qui protégeait nos grands groupes industriels comme Sanofi, Vinci Energies ou encore Lagardère, que le gouvernement a laissé être rachetée en 2021 par l’américain Tenable. Par ailleurs, le budget de la sécurité publique peut être considéré comme contribuant aussi au fonctionnement de l’économie. En 2023 ce sont ainsi 23 milliards d’euros, soit près de 1% du PIB, qui est consacré à la mission « sécurités » du budget de l’État. Les enjeux de sécurisation importante à l’approche de l’organisation des Jeux olympiques 2024 dans notre pays vont également contribuer au dynamisme du secteur de la sécurité dans notre économie. La sécurité privée, en plein essor ces dernières années, devrait d’ailleurs y prendre sa part.

Quelles perspectives tracez-vous quant à la place de la sécurité privée ?

Je tiens tout d’abord à rappeler que l’acteur principal de la sécurité dans notre pays est et doit rester l’État. Il peut naturellement s’appuyer, sans se défausser, sur les collectivités territoriales dotées par exemple de polices municipales ou de gardes-champêtres dans les territoires ruraux. Il est vrai cependant que les entreprises de sécurité privée sont également devenues un acteur à part entière de la sécurité intérieure. Celles-ci ont d’ailleurs connu une croissance très importante ces dernières années. Un rapport parlementaire, établi par les députés Jacqueline Macquet et Dino Cinieri en 2021 pointe ainsi que le marché de la sécurité privée a connu une croissance soutenue ces dernières années, del’ordrede+4,5%en2018etde+5% en 2019, représentant un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros. Les entreprises de ce secteur ont donc tout à fait leur place dans le continuum de sécurité tel qu’il existe dans notre pays, en particulier en vue des Jeux Olympiques où près de 10 millions de spectateurs sont attendus.