Olivier Rietmann

Viande "in vitro" : bientôt dans nos assiettes?, d'Olivier Rietmann

Dix ans après la présentation du premier steak haché de boeuf cellulaire au monde, et alors que les initiatives privées se développent rapidement dans ce domaine, un diagnostic des produits et des procédés de l’industrie cellulaire s’impose pour éclairer les pouvoirs publics et les citoyens. C’est l’ambition portée par
Olivier Rietmann, sénateur de la Haute-Saône, au travers du rapport intitulé « Aliments cellulaires : être vigilant pour mieux encadrer et maîtriser la technologie » .
Il en ressort notamment que l’état de nos connaissances reste assez limité et que la recherche doit être encouragée, pour mieux appréhender cette technologie aux effets potentiellement très importants.

Pour ou contre les aliments cellulaires ? Telle n’est pas la question. En effet, en l'état actuel du droit, la décision de les autoriser (ou non) ne relève pas directement des États membres de l’Union européenne, et encore moins du Parlement. C'est la Commission européenne, sur avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui autorisera (ou non) la mise sur le marché des aliments cellulaires.

Analyser sérieusement les arguments avancés par les promoteurs de ces nouveaux produits constitue donc une priorité si l’on veut éviter ce qui prévaut actuellement de façon hypocrite pour les OGM, pour lesquels la France et l'Europe ont fait preuve d'une naïveté coupable en s'interdisant la production tout en autorisant les importations. Cet exemple a démontré qu'en fermant la porte par principe à une technologie, on est finalement contraint d’ouvrir les fenêtres, de façon cette fois subie !

En Europe, une hypothétique autorisation de mise sur le marché de tels produits ne sera vraisemblablement pas délivrée avant horizon 2025 : ce temps doit dès lors être perçu comme une opportunité de réfléchir collectivement à un cadre partagé.

L'état de nos connaissances étant aujourd’hui très limité en raison du manque de données impartiales et probantes, il est urgent de travailler, au moins préventivement, à façonner des standards français et européens avant qu’un produit en provenance des États-Unis ou de Singapour n'arrive dans nos assiettes.

Un effort doit d'abord être mené dans la compréhension du produit et des procédés en tant que tels. Sans nécessairement reproduire l'ensemble des travaux des entreprises, une unité mixte de recherche au sein de l'INRAE et du CNRS pourrait être dédiée à la maîtrise des techniques de l'industrie cellulaire et à une plus large diffusion des aspects les plus méconnus de ses procédés de fabrication.

Cette infrastructure publique constituerait un avantage compétitif pour les entreprises françaises  mais surtout une veille scientifique indispensable pour l’État français et pour ses gouvernants. Elle renforcerait nos chances de ne pas perdre pied dans la compétition mondiale pour la maîtrise de la technologie, et limiterait le risque de tomber dans la dépendance à de grandes entreprises étrangères.

Elle permettrait aussi d’éclairer les débats politiques à venir au plan national, européen et international. En effet, face aux nombreuses incertitudes qui demeurent également au sujet des conséquences de ces aliments cellulaires sur la société, il est essentiel de procéder à une évaluation socio-économique, environnementale et éthique. Ces organismes de recherche pourraient dès lors produire une expertise scientifique collective pour évaluer ce type d’impacts et pour anticiper les effets sur la santé humaine à long terme de la consommation d'aliments cellulaires.

Gardons toutefois à l’esprit que cet effort de recherche serait toutefois vain si les plus de cent entreprises qui développent ce produit dans le monde ne jouaient pas le jeu de la transparence. Ce principe paraît d'autant plus justifié que ce secteur, dont on a parfois l'impression qu'il veut laver plus blanc que blanc, fait des préoccupations écologiques un argument commercial majeur.

Sur le modèle de la transparence en matière de sécurité sanitaire vis-à-vis de l'EFSA, il s’agit d’imposer la transparence en matière environnementale aux entreprises de ce secteur, en obligeant par exemple la communication des données en analyse de cycle de vie aux autorités environnementales.

Ne répétons pas les erreurs du passé. Anticipons, soyons vigilants et apprenons à maîtriser la technologie pour mieux l’encadrer !