Alexandre Portier

Revue GEEA : La sécurité et l'économie

Le coût de l’insécurité : une facture faramineuse par Alexandre Portier, député du Rhône

Si l’insécurité est un sujet souvent abordé dans le débat public, son coût est rarement mis en lumière. En effet,

si l’on évoque bien des faits divers illustrant l’insécurité ou même
des problématiques plus spécifiques, afin de souligner la force de l’insécurité en France, on parle moins de ses conséquences économiques et financières. Or, c’est un sujet important, puisqu’au-delà de l’impact émotionnel et traumatique que l’insécurité peut laisser aux victimes, il y a aussi un impact matériel

et tangible, autant pour les particuliers que pour les entreprises et notre service public, selon le député
du Rhône, Alexandre Portier.

Combien coûte l’insécurité en France ?

Si l’on reprend une étude publiée par le chercheur Jérémie Vandenbunder (CESDIP, octobre 2022) , le coût cumulé estimé de l’insécurité en France s’élève en 2018 à 51 milliards d’euros par an — un coût ayant doublé en 30 ans !

Lorsque l’on évoque l’insécurité, on pense d’abord bien sûr à la violence que subissent nos concitoyens. Cambriolages, vols en tous genres, atteintes volontaires à l’intégrité physique ou encore usurpations d’identité sont les actes d’insécurité qui coûtent le plus cher aux particuliers. En effet, même lorsque les assurances peuvent couvrir la soustraction d’objets de valeurs, l’argent déboursé par l’assurance provient des cotisations de ses adhérents. Assuré ou pas, le coût d’un vol est donc assumé par nos concitoyens. Le coût des cambriolages (et tentatives) représente à lui seul 1,1 milliard d’euros par an. Face à toutes ces menaces, les particuliers réagissent en faisant installer différents dispositifs de sécurité plus ou moins coûteux, ce qui alourdit la note de plusieurs centaines de millions d’euros.

Les entreprises sont particulièrement touchées par la cybersécurité. Avez-vous une estimation sur ce que cela représente ?

Depuis quelques années, la cybercriminalité est devenue un véritable fléau. Pour l’éditeur de logiciels McAfee, elle serait le troisième plus grand fléau économique dans le monde et représenterait 1 000 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an, soit environ 1% du PIB mondial et toucherait en particulier les banques. D’après le Boston Consulting Group, les entreprises financières seraient 300 fois plus susceptibles d’être ciblées. Pour exemple, le montant des fraudes à la carte bancaire en France s’élève en 2021 à environ 464 millions d’euros .

Le coût de l’insécurité pour les entreprises n’est donc pas en reste, bien au contraire. Au cours des 5 dernières années, le budget dédié à la cybersécurité a plus que triplé selon une récente étude de l’assureur Hiscox. Le budget médian de la cybersécurité est passé de 1,4 million de dollars en 2018 à 5,3 millions en 2022. Du côté des commerçants, au-delà des caméras installées, de plus en plus décident de recourir aux services d’entreprises de sécurité privée. Selon l’étude « Retail Security in Europe 2019 » réalisée par l’institut Crime & Tech, les distributeurs européens déplorent un manque à gagner de 49 milliards d’euros par an. En France, les distributeurs investissent 0,3% de leur chiffre d’affaires, soit 2,8 milliards d’euros — près de 38% du coût total des pertes.

Il semblerait que le secteur public soit aussi touché, n’est-ce pas ?

Le service public doit aussi faire face à de nombreuses pertes et dépenses à cause de l’insécurité, principalement liées au vandalisme, aux agressions des agents publics et les menaces sur leurs systèmes d’information. En France en 2018, les dépenses publiques liées à l’insécurité s’élèvent à 26,8 milliards d’euros.

Les collectivités assument également le poids de l’insécurité avec l’augmentation de leurs effectifs de police municipale, passant ainsi de 3 000 à 24 000 agents en 40 ans — coût non négligeable à l’heure des restrictions budgétaires. À cela s’ajoute le coût des 935 000 caméras installées sur l’espace public. Les maternités jusqu’alors préservées investissent de plus en plus dans l’achat de bracelets d’identité et de sécurité, afin de prévenir les enlèvements de nouveau-nés. Le cas est similaire avec les palais de justice, qui s’équipent de portails magnétiques, afin de prévenir toute agression.