Les enjeux économiques de la sécurité privée par Dino Cinieri

En 2020, Dino Cinieri, Député de la Loire, Conseiller Régional d’Auvergne-Rhône-Alpes et ancien chef d’entreprise dans le domaine de la sécurité, a été nommé rapporteur d’une mission d’information sur les enjeux économiques de la sécurité privée.

Pourquoi avoir demandé cette mission à Roland Lescure alors Président de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale ?

Le secteur de la sécurité privée reste très méconnu des Français qui ne connaissent généralement que l’agent de sécurité au sein des espaces commerciaux ou immobiliers, alors qu’il existe une multitude de professions en son sein qui constituent autant de segments aux fondamentaux parfois très différents, allant du transport de fonds et de valeurs à la sécurité électronique, en passant par la protection rapprochée et la sûreté aéroportuaire.

La sécurité privée est une filière économique essentielle pour notre pays, surtout à l’approche d’événements internationaux de grande ampleur comme la coupe du monde de rugby qui aura lieu en septembre 2023 ou les Jeux Olympiques de Paris en 2024.

Avec ma collègue co-rapporteur Jacqueline Maquet, Députée du Pas-de-Calais, nous avons voulu offrir une visibilité forte à un sujet trop peu traité et formuler des propositions pour faire évoluer son cadre de régulation et d’exercice.

Qu’est ce qui vous a le plus frappé lors des nombreuses auditions menées ?

Durant les mois de travail et d’auditions, nous avons pu entendre un large panel d’acteurs et dresser ainsi un portrait relativement complet de ce secteur d’activité protéiforme.

Le marché de la sécurité privée est à la fois complexe, dynamique et en proie à des difficultés d’ordre structurel et conjoncturel. Il connaît des taux de croissance de 3 à 5% par an ces dernières années, essentiellement portés par les activités de surveillance humaine et de sécurité électronique. Mais il est aussi fragilisé par des difficultés conjoncturelles et structurelles importantes et différentes selon ses segments.

Ces difficultés conjoncturelles et structurelles sont-elles inéluctables ?

Les difficultés conjoncturelles résultent de l’impact de la crise sanitaire, qui ont surtout touché certains segments comme l’événementiel et l’aérien. 70% des entreprises déclarent avoir connu une baisse de chiffre d’affaires en 2020, et 50% déclarent que cette perte a dépassé 15%. La fin de la crise laisse toutefois espérer une reprise satisfaisante des activités.

Mais des difficultés structurelles plus sectorielles existent également. Elles prennent la forme, par exemple dans le secteur de la surveillance humaine, d’une pression à la baisse des prix et de pratiques de sous-traitance en cascade, avec des conséquences évidentes pour ses agents en termes de précarité.

Le transport de fonds et de valeurs fait face à un marché domestique de taille limitée et au recul du cash qui le conduit à devoir faire évoluer son modèle économique.
Enfin, d’autres segments rencontrent des difficultés liées parfois à des lenteurs administratives (protection rapprochée), ou à l’absence de reconnaissance de leur profession (sécurité événementielle) ou de régulation suffisante de celle-ci (recherches privées, surveillance humaine etc.).

Seule la sécurité électronique paraît échapper en partie à ces difficultés, en raison de la composante technologique plus importante de son activité et à des leviers de croissance liés au développement des technologies numériques.

Quels leviers le législateur peut-il enclencher pour soutenir ce secteur ?

La loi pour une sécurité globale préservant les libertés a constitué un véhicule puissant de débats et a porté des avancées importantes, en encadrant la sous-traitance notamment.

Dans le cadre de la Mission d’information, nous avons fait quinze propositions sur la formation, l’apprentissage, l’adaptation du cadre juridique de certaines professions, l’assouplissement du continuum de sécurité ou encore la promotion d’une véritable culture commune de la sécurité publique chez les Français mais aussi chez les acheteurs publics.

La sécurité privée est une filière majeure pour l’économie et la société française qui doit être davantage valorisée pour constituer un outil de sécurité pour nos concitoyens, et de compétitivité pour notre pays. Sa structuration en filière doit donc être approfondie, avec l’appui des pouvoirs publics, et sa visibilité renforcée, au profit d’une meilleure intégration au sein des pratiques quotidiennes de sécurité. Cela ne pourra se faire sans une véritable reconnaissance de l’apport de ces différents métiers à notre pays dans un contexte où le risque terroriste reste élevé et où ces professions ont été, elles-aussi, en première ligne pendant la crise sanitaire.