Face aux cybermenaces, préparons notre sécurité collective de demain, éditorial de Michel Herbillon

30 ans après l’arrivée d’Internet en France pour le grand public et à l’heure de la numérisation de notre société, l’ère de la fascination naïve pour le développement de ce merveilleux outil est bel et bien derrière nous. Désormais, les dangers associés aux systèmes informatiques sont une menace bien identifiée pour l’ensemble des acteurs de notre société dont les conséquences peuvent être majeures.

En France, en 2022, selon une étude menée par le Cesin, 45% des entreprises ont été la cible d’attaques informatiques et 14% ont été victimes de ransomware. Des chiffres en baisse au regard des années passées, mais qui demeurent particulièrement élevés. Ces attaques ont des conséquences concrètes pour nos entreprises puisque 35% de celles attaquées se sont fait dérober des données et 33% d’entre elles ont subi des usurpations d’identité.

En tant qu’élus, nous connaissons bien cette préoccupation des entreprises puisque l’Etat, les collectivités territoriales ou encore les hôpitaux sont régulièrement les cibles des pirates informatiques. Ceux-ci n’hésitent plus à divulguer les données personnelles confidentielles dont ils se sont emparés lors de cyberattaques comme ce fût le cas suite à l’attaque du centre hospitalier de Corbeil-Essonnes.

Ces opérations criminelles désormais bien connues cachent une réalité plus confidentielle, celle de l’espionnage. En effet, près de 80% de l’activité de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) est dédiée à la lutte contre l’espionnage qui touche l’ensemble des acteurs publics et privés de notre société. Ces atteintes, dont on parle peu, ont un impact majeur pour notre économie et notre sécurité nationale.

Selon Guillaume POUPARD, Directeur général de l’ANSSI de 2014 à 2022, ces attaques ne sont pas initiées par des organisations criminelles isolées, mais bien par des Etats. S’il demeure difficile de tirer un bilan des dégâts causés par l’espionnage, cet expert ne cache pas que les conséquences actuelles « font froid dans le dos » tant ces attaques touchent les acteurs stratégiques publics ou privés de notre pays.

Dans le même temps, l’ensemble des Armées du Monde se dotent aujourd’hui de capacités cyber, défensives et offensives, car il est désormais possible, du fait du développement croissant des systèmes informatiques, de détruire ceux-ci de manière plus aisée que par des moyens conventionnels. A cela s’ajoute l’apparition de nouveaux champs de conflictualité comme le spatial. C’est ainsi qu’un réseau satellitaire qui couvre notamment l'Europe et l'Ukraine a été victime d'une attaque cyber le 24 février 2022, alors que l'armée russe commençait à envahir l'Ukraine.

Face à ces nouveaux dangers qui concernent notre société dans sa globalité, individus, entreprises, collectivités ou encore l’Etat, nous avons l’impérieuse nécessité de nous protéger dès aujourd’hui. Chacun à notre échelle, nous nous devons de prendre conscience de la dangerosité inhérente aux systèmes informatiques et nous prémunir d’attaques qui ne manqueront pas de survenir. Il en va de la sécurité de nos données personnelles et professionnelles, de notre sécurité collective, mais surtout de notre souveraineté.

Notre défense de demain se prépare dès aujourd’hui : avec la loi de programmation militaire 2024/2030 qui prévoit des mesures pour accroitre les capacités d’action de l’ANSSI, avec la mobilisation d’un programme d’investissement d’un milliard d’euros dans le cadre la stratégie d'accélération pour la cybersécurité de France 2030 ou encore le recrutement de 1500 cyber patrouilleurs suite à la promulgation de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

D’autres évolutions législatives viendront aussi avec la prochaine transposition en droit français de la directive Network and Information System Security, adoptée par le Parlement européen en 2022, qui permettra de renforcer encore le champ d’action de l’ANSSI à un plus grand nombre de secteurs économiques et d’acteurs publics et privés.

Le défi qui est devant nous est immense. Chaque citoyen et entreprise devra prendre sa part pour défendre nos libertés individuelles, pour contribuer à notre sécurité collective, et in finedéfendre notre souveraineté au sein d’un début de 21ème siècle marqué par un regain des tensions internationales.